Orphelin depuis aussi loin qu’il se souvienne, Jolan est un de ces gamin de rue auquels on accorde que peu d’importance.

Enfant, il est de ceux qui compliquent vos dimanches matins lorsque vous allez au marché remplir vos paniers. Ceux-là même qui vous coûtent une pomme ou deux quand vous avez le malheur de relâcher votre surveillance : ces maudits rapiats.
Au détour d’une ruelle, il n’est pas impossible que vous croisiez l’un de ces marmots vagabonds fouillant les poubelles ça et là. Et si par hasard vos regards se croisaient, ce serait signe d’abandon de la mission ravitaillement pour eux, et là où la honte pèserait lourdement sur les épaules des minots, la culpabilité sur vos épaules ne durerait que le temps d’un “Pauvre enfant…” perdu dans un soupir. Alors vous retournerez à votre vie, et eux à la leur.

Personne ici n’emploierait un gamin sans nom, il pourrait bien être un enfant malade, le fruit d’une aventure interdite, ou pire, le fils d’un pirate.
Qui prendrait le risque de s’attirer les foudres du gouvernement ?

Alors jour après jour, mois après mois, année après année : le cycle s’est répété continuellement avec à peine quelques variations.

Bien sûr, il arrivait que les choses se passent différemment : voler un riche amenait à un bien meilleur repas tant et si bien que Jolan réussissait son larcin. Voler un marchand était souvent synonyme de repas sûr pour le jour-même mais de se compliquer la tâche par la suite, que ce soit dû aux gardes ou au simple fait qu’on le reconnaissait à sa cicatrice.
La routine s’était installée. Cela-dit, si la machine était bien huilé, Jolan ne s’attendait pas à un tel hic lorsqu’il vola pour la dernière fois.

Un Officier de la Marine.

Aujourd’hui, c’était un officier de la Marine. Jolan n’en savait rien, mais il s’agissait là de la rencontre qui allait façonner le restant de sa vie.

8h38 - Pas encore tout à fait habitué à cette rue marchande, Jolan emprunte les rues adjacentes. Échappatoires, raccourcis, culs-de-sac, il s’imprègne au mieux de l’architecture de cette ville qu'il arpentait seulement depuis la veille.

9h02 - Les gens commencent à affluer, les rues s’emplissent. Il est l’heure de se mêler à la foule.
Bercé par l’ambiance familière de l’ouverture du marché, Jolan furète entre les passants, allège ces derniers de quelques pièces ou les libère de leurs bijoux bien trop lourds pour leurs pauvres mains et poignets.

9h08 - Le temps s’écoule et s’il a entendu quelques personnes se plaindre après son passage, tout se déroule parfaitement. Cet art qu’il pratique depuis tant d’années, il a eu le temps de s’y perfectionner. Il n’a pas eu le choix.

9h14 - Le voici de retour dans les ruelles adjacentes. Au milieu d’un coupe-gorge, il avait repéré quelques gosses qui lui rappelaient ce qu’il était, alors une fois les poches remplies, il était revenu déposer quelques pièces et le gros des fruits qu’il avait chapardé.

9h15 - Quelque chose cloche. Sans savoir pourquoi, Jolan qui se cherchait un coin tranquille pour compter son revenu du jour, sent qu’il se passe quelque chose.

Une impasse en guise de décor, la scène qui se déroule inquiète Jolan qui fait face au mur, le chemin désormais emprunté derrière lui.
Pourtant, il semble n’y avoir qu’une seule personne. Une seule personne qui s’approche désormais de lui. Au fur et à mesure que la distance s’amenuise, il sent que ce n’est pas comme les autres fois, la pression est toute autre.
Quand il se tourne enfin pour faire face à l’homme, Jolan découvre l’homme qu’il adulera par la suite. L’homme qui, en quelques secondes à peine, brisera le cycle dans lequel Jolan se débattait jusqu’alors.

Hajime.

Quelques mots auront suffit à faire dévier Jolan du chemin perdu qu’il foulait à des rails pourvus d’une destination. Si l’on en croit Jolan, ces quelques mots lui ont donné vie.

Au courant de cette même semaine, une inscription au nom de Jolan fut enregistrée au sein d’un centre de formation de la Marine.